Immigration. La périlleuse route de la Corne de l’Afrique vers le Golfe : un gouffre humain

Les migrants éthiopiens qui tentent leur chance vers l’Arabie saoudite entament une route périlleuse. Même arrivés à destination, ils ne sont pas saufs, puisqu’ils risquent la prison ou une expulsion brutale, et occupent des emplois sous-payés.

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Courrier international

Réservé aux abonnés  Publié aujourd’hui à 05h00  Lecture 3 min.

Face à la prospère péninsule Arabique, de nombreux habitants de la Corne de l’Afrique se prennent à rêver d’une vie meilleure. The Economist et Raseef22 se sont intéressés à cette route migratoire moins médiatisée que celle menant à l’Europe.

En 2023, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a recensé 380 000 migrants qui ont traversé les frontières, généralement de manière irrégulière. Plus de 96 000 sont arrivées sur la côte yéménite après avoir emprunté ce corridor oriental. Et beaucoup sont confrontés à des niveaux extraordinaires d’exploitation et de violence, détaille l’hebdomadaire britannique.

De l’Éthiopie, par exemple, deux routes migratoires s’ouvrent aux aspirants au départ. La première, et la plus courte, passe par Djibouti et le détroit de Bab-El-Mandeb, qui sépare le pays africain du Yémen. Malgré les dangers, l’année dernière 123 000 migrants ont traversé la frontière depuis l’Éthiopie vers Djibouti, un petit État peuplé d’un peu plus de 1 million d’habitants.

SOURCE : « THE ECONOMIST »

L’autre route part du port somalien de Bossasso, une traversée du golfe d’Aden en bateau plus longue et périlleuse. Dans tous les cas, une fois la péninsule Arabique atteinte, poursuit le titre, les migrants doivent parcourir 500 kilomètres à travers le Yémen pour atteindre la frontière saoudienne.

La majorité des migrants sont de jeunes hommes éthiopiens, mais environ 20 % sont des femmes et 10 % des enfants. La principale peur pour ces femmes, outre les dangers partagés avec les hommes, est celle du viol. Raseef22 a enquêté sur le sujet, affirmant que les migrantes africaines sont souvent violées lors de leur voyage en mer sur les bateaux des passeurs.

Beaucoup fuient les régions troublées d’Éthiopie, le Tigré ou l’Amhara, où l’armée éthiopienne combat des mouvements rebelles, au détriment des populations locales. D’autres partagent leurs motivations économiques et leur “espoir de gagner assez d’argent pour construire une maison ou démarrer une entreprise dans leur pays d’origine”. En 2021, l’Éthiopie a dénombré au moins 7 000 migrants portés disparus.

Tombés dans des systèmes d’exploitation

Tout commence, raconte encore The Economist, par la recherche d’un dalala, “une sorte de courtier” dont la mission est d’arranger l’émigration vers l’Arabie saoudite. Mais celui-ci s’avère généralement un passeur sans scrupule qui n’hésite pas à maltraiter et à torturer les personnes jusqu’à ce qu’elles paient. Ainsi, l’hebdomadaire suit le parcours d’Abdro, un jeune Éthiopien qui a marché pendant une semaine à travers la brousse et le désert jusqu’à la frontière avec Djibouti. Là, poursuit le site, le dalala lui a attaché les mains avec une corde jusqu’à ce qu’il paie.

Et le calvaire ne s’arrête pas là : une fois arrivés au Yémen, les migrants restent vulnérables aux abus. Des trafiquants parquent les nouveaux arrivants dans des habitations appelées “hosh”, ou parfois simplement “maisons hawala” [“mandat” ou “virement”, en arabe], pour ensuite réclamer une rançon aux familles. Le même Abdro raconte que cinq hommes l’ont battu, puis ont joint son père en Éthiopie par téléphone, obligeant ce dernier à écouter les cris de douleur de son fils. L’homme a dû vendre des terres pour réunir la somme de 150 000 birrs (environ 2 400 euros) réclamée par les ravisseurs.

Raseef22 indique de son côté que les migrants sont parfois contraints de rester au Yémen pour une durée variable, le temps pour eux de réunir l’argent pour payer les passeurs. Ils effectuent alors des travaux pénibles et mal payés. À Aden, par exemple, la plupart d’entre eux travaillent pour des entreprises de nettoyage. D’autres travaillent dans le secteur de la pêche ou dans les champs de qat. Ils perçoivent évidemment des salaires inférieurs à ceux des Yéménites. Les femmes, elles, sont placées comme femmes de ménage dans des familles yéménites et subissent abus et exploitation.

Et si, après un éprouvant parcours, certains parviennent à la frontière saoudienne, ils sont accueillis par les tirs de mortier et de roquettes des gardes-frontières. Selon certaines ONG, ces derniers ont tué des centaines, voire des milliers, de migrants en un peu plus d’un an, indique The Economist.

Enfin, rapporte Raseef22, ceux qui réussissent à entrer en Arabie saoudite ne sont pas au bout de leurs peines : les autorités imposent des lois et des sanctions strictes aux travailleurs étrangers illégaux. Le plus souvent, ils sont détenus en prison pendant plusieurs jours, avant d’être expulsés vers leur pays d’origine. Cependant, Riyad a, au cours des cinq dernières années, commencé à faciliter certaines procédures d’accueil. Mais la régularisation coûte cher et pousse les migrants africains à accepter là aussi des emplois sous-payés.

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