Le Soudan a soif : la double peine de la guerre et du changement climatique

Le pays connaît une succession de pluies diluviennes et de canicules infernales tandis que les pénuries de carburant empêchent de pomper l’eau de nappes phréatiques déjà surexploitées.

La rivière Gash asséchée, dans l’Etat de Kassala, à 600 km de Khartoum, le 6 juin 2024.
La rivière Gash asséchée, dans l’Etat de Kassala, à 600 km de Khartoum, le 6 juin 2024. – / AFP

Rendu plus vulnérable encore par un an de guerre sanglante entre généraux rivaux, le Soudan, touché de plein fouet par le dérèglement climatique, manque d’eau. « Depuis le début de la guerre, deux de mes enfants marchent 14 km par jour pour aller chercher de l’eau », affirme à l’AFP Issa, père de famille du camp de déplacés de Sortony, abritant plus de 65 000 personnes dans le nord du Darfour.

L’eau est la dernière des crises qui n’en finissent pas de s’abattre sur le quotidien des Soudanais. Dans un Soudan aux infrastructures ravagées par des décennies de conflit, le dérèglement climatique se traduit par une succession de pluies diluviennes et de canicules infernales où les températures estivales frôlent les 50 °C.

Le 15 avril 2023, quand une nouvelle guerre éclate, cette fois-ci entre l’armée soudanaise et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), diplomates et humanitaires quittent le pays en masse. L’aide aux plus vulnérables s’effondre. C’est le cas à Sortony : une organisation humanitaire italienne, chargée des stations d’eau potable du camp, a plié bagage au début du conflit, explique Issa.

Avant la guerre, l’ONU alertait déjà sur le sort d’« environ 26 % des habitants marchant plus de cinquante minutes pour trouver de l’eau, s’exposant à des risques sécuritaires, en premier lieu les femmes ».

Pas de stockage des eaux pluviales

Toujours au Darfour, le village de Shaqra accueille 40 000 déplacés. Face à l’afflux, l’eau manque cruellement, indique Adam Rijal, porte-parole des déplacés du Darfour.

Parfois à l’ombre des acacias, le plus souvent sous un soleil de plomb, des déplacés, femmes et enfants principalement, attendent leur tour pour recevoir de l’eau. A Shaqra, « les gens font la queue sur 300 mètres pour de l’eau potable », dit-il, notant par ailleurs que « les sources ont diminué après la guerre ».

Dans la Corne de l’Afrique, où les sécheresses s’enchaînent, même quand il pleut c’est la catastrophe. En 2023, de fortes pluies suivies d’inondations ont touché 89 000 personnes, selon l’ONU. Chaque année, des dizaines de morts sont recensées. Faute de solution de stockage des eaux pluviales, elles ne sont pas exploitées.

Les nappes phréatiques surexploitées du pays peinent, elles, à se réapprovisionner. Leur eau, enfouie à des dizaines de mètres sous terre, doit être pompée avec des moteurs, difficiles à entretenir avec la guerre et son lot de pénuries de carburant et de pièces de rechange. Sans pompes, « même s’il y a de l’eau, impossible d’y accéder », confirme un diplomate européen familier du dossier soudanais, faisant état d’un vrai problème de « disponibilité de l’eau » dans une « grande partie » du pays.

Il cite Al-Fasher. Depuis début mai, cette ville du Darfour abritant 1,5 million d’habitants, pour moitié des déplacés, connaît des combats meurtriers et un siège étouffant. « Si les FSR n’autorisent pas l’entrée de carburant, les stations d’eau arrêtent de fonctionner. Alors pour beaucoup, il n’y a pas d’eau. »

« L’été arrive »

A Khartoum, tenue par les FSR du général Mohamed Hamdane Daglo, des quartiers entiers sont privés d’eau potable. « La station de Soba, qui approvisionne les très peuplés quartiers du sud de Khartoum, est à l’arrêt », confirme à l’AFP un volontaire du « comité de résistance » local, groupe de quartier organisant l’entraide, qui a requis l’anonymat.

Ici, pour remédier à la soif et se laver, les habitants achètent une eau non traitée et transportée en charrette. De l’autre côté du Nil, à Omdourman, banlieue de Khartoum aux mains de l’armée du général Abdel Fattah Al-Burhane, « une panne de courant a entraîné l’arrêt des stations d’eau », affirme un habitant, Adam Hassan, à l’AFP. « Depuis dix-sept jours, l’eau nous coûte quotidiennement 6 000 livres soudanaises (4,60 euros) », dit-il.

Dans les zones épargnées par les combats, l’eau manque aussi. Sur la mer Rouge, à Port-Soudan, quartier général des ministères gouvernementaux pro-armée mais aussi de l’ONU, « l’eau est un gros problème », dit à l’AFP Al-Sadek Hussein, un habitant. « Et l’été arrive », s’inquiète ce père de famille.

Avec la guerre et son lot de déplacés, là aussi les habitants s’approvisionnent en eau potable transportée par des charrettes. « Il faudrait surveiller la pollution », prévient Taha Taher, expert en santé environnementale. « Mais cela n’est pas fait », assure-t-il, alors qu’avec la surpopulation de la ville « le problème s’est aggravé ». En un an de guerre, le ministère de la santé a recensé 11 000 cas de choléra dans différentes régions. « Le système de santé s’est effondré, les gens boivent de l’eau sale », résume le diplomate européen.

Le Monde avec AFP

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